Alors que s’annonce une session parlementaire aux enjeux cruciaux pour les équilibres institutionnels de la République Démocratique du Congo, une déclaration du député et secrétaire général de l’UDPS, Augustin Kabuya, a capté l’attention de l’opinion publique. Au cœur de la polémique : la pétition visant Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale. Et face à cette tempête politique, Kabuya a opté pour une posture mesurée, teintée d’un certain désengagement, qui rappelle l’attitude de Ponce Pilate.
Une prise de parole qui en dit long
S’exprimant ce samedi devant les militants de l’UDPS à la place de l’Échangeur, Augustin Kabuya a confirmé que la pétition visant à destituer Vital Kamerhe avait déjà récolté 235 signatures. Cependant, il a catégoriquement nié toute implication directe de son parti dans cette initiative :
« Ce n’est pas l’UDPS qui est à la base de cette pétition », a-t-il insisté, rappelant que la majorité présidentielle, à laquelle appartient son parti, ne dispose que de 152 députés à l’Assemblée nationale.
Par cette déclaration, Kabuya cherche à dissiper les soupçons de machination partisane et à couper court aux accusations de manœuvre contre un allié politique au sein de l’Union sacrée. Il adopte ainsi une posture d’observateur, tout en mettant en lumière le caractère transversal de l’initiative parlementaire.
Une neutralité à double tranchant
En prenant ses distances avec cette pétition, Kabuya se positionne comme un acteur modérateur, soucieux d’éviter une confrontation frontale entre l’UDPS et l’UNC, le parti de Vital Kamerhe. Ce choix peut être interprété comme une volonté d’apaisement dans un climat politique déjà sous tension. Mais il peut aussi être lu comme une stratégie de prudence, destinée à ne pas s’aliéner une partie de la majorité, ni se compromettre dans une bataille dont l’issue demeure incertaine.
L’image de Ponce Pilate, évoquée par certains observateurs, prend ici tout son sens : Kabuya se lave les mains d’un dossier dont il reconnaît l’importance, mais dont il préfère rester officiellement en marge. Une posture habile, mais qui n’est pas sans risques, surtout si les lignes politiques venaient à bouger brutalement dans les jours à venir.
Un signal fort envoyé à la classe politique
Le message de Kabuya est clair : l’UDPS n’est pas aux commandes de cette offensive parlementaire. Il suggère ainsi que la contestation de Kamerhe va bien au-delà des calculs partisans et reflète un malaise plus profond au sein de l’Assemblée nationale. Cela met en évidence l’émergence possible d’un front hétéroclite de députés unis par une convergence d’intérêts momentanée, plutôt que par une vision politique partagée.
Pour Kamerhe, cela signifie que sa position pourrait être fragilisée non seulement par ses adversaires traditionnels, mais aussi par une fronde inattendue de membres de la majorité, fatigués ou frustrés par certaines dynamiques internes.
Une manœuvre politique raffinée
En se plaçant en arbitre du débat, Augustin Kabuya tente de repositionner l’UDPS comme un parti de responsabilité, détaché des querelles internes et focalisé sur la stabilité des institutions. Mais dans le paysage politique congolais, où les alliances sont souvent mouvantes et les rapports de force évolutifs, cette neutralité peut rapidement se transformer en engagement implicite.
Ce positionnement traduit également une certaine lucidité politique : dans un contexte où les équilibres sont fragiles, il est plus judicieux de laisser les autres acteurs se dévoiler en premier, tout en gardant une marge de manœuvre suffisante pour s’ajuster au vent dominant.
La sortie médiatique d’Augustin Kabuya ne saurait être réduite à une simple mise au point. Elle s’inscrit dans une démarche stratégique de préservation de l’image de l’UDPS, tout en laissant la scène parlementaire évoluer librement. Une attitude de retrait actif, où le silence sur certaines intentions pèse parfois plus lourd que des déclarations directes.
Mais en politique congolaise, la neutralité est rarement tenable sur la durée. Très vite, les circonstances obligent à choisir un camp. La question est donc de savoir si Kabuya restera longtemps spectateur, ou s’il finira par jouer un rôle plus actif dans un affrontement politique qui s’annonce déterminant.
Rédaction
