Nommée à la tête de la Direction Générale des Corridors de développement Industriel (DGCDI) fin juin 2024, Madame Hélène Miasuekama Kiese héritait d’un établissement public en pleine turbulence. Dans un entretien exclusif accordé à la rédaction d’Osmose-infos, vendredi 24 octobre à Kinshasa, elle dresse le bilan de ses premiers mois, détaille la mission stratégique de sa structure et partage sa vision pour faire des corridors, notamment celui de Lobito, de véritables leviers de souveraineté et de développement économique durable pour la République Démocratique du Congo.
Arrivée à la DGCDI, Madame Miasuekama a dû faire face à une situation critique. « L’établissement était très fragilisé », résume-t-elle, pointant trois défis majeurs : une paix sociale absente avec des employés en grève après douze mois d’arriérés de salaire, un vide administratif (absence de convention collective, d’états financiers) et une méconnaissance généralisée des missions de l’institution.
« Aujourd’hui, au niveau de la paix sociale, je peux dire qu’on y arrive. On a déjà stoppé l’hémorragie », affirme-t-elle, précisant que le paiement des arriérés reste en suspens mais que des lignes budgétaires ont été débloquées. Sur le plan administratif, les états financiers des années 2022 à 2024 sont en cours d’établissement et la délégation syndicale a été formée. Son constat, après un an et demi d’efforts, est optimiste : « Je dirais que c’est comme un avion qui arrive à la fin de la piste d’atterrissage et qui est prêt à décoller. »
Pour relever ce défi, la Directrice générale de cette entreprise s’appuie sur une solide expérience acquise presque entièrement dans le secteur privé. « Depuis deux ans, un an et demi principalement, que je suis dans le public. En privé, j’ai commencé notamment dans une société maritime. Après, je suis allée dans les médias, pour finir dans le textile », raconte-t-elle. Elle a ensuite gravi les échelons, passant par des postes de finance pour atteindre des fonctions de direction générale et siéger dans des conseils d’administration, notamment à la FEC. Elle était Présidente du Conseil d’Administration de la SOCOF avant que le Chef de l’État ne lui confie les rênes de la DGCDI.
Au cœur de sa mission : la transformation des corridors de transport en corridors de développement industriel. Elle distingue clairement les deux concepts. « Un corridor de transport, c’est un axe. C’est une route, c’est un chemin de fer (…). Par contre, quand on parle de corridor de développement (…), on est sur un territoire », explique-t-elle.
Le rôle de la DGCDI est ainsi de « déterminer les territoires tout au long de ce corridor de transport dans lesquels on va déterminer des zones de développement industriel (…) et faire un maillage de toutes les ressources et potentialités ». Cette approche vise à créer des industries et des emplois. Elle insiste sur l’importance de l’impact environnemental et de l’implication des communautés locales, afin que « les territoires traversés (…) puissent bénéficier et s’enrichir ».

Le Corridor de Lobito : une opportunité à saisir pour éviter le simple transit
Appliquant cette vision au projet stratégique du Corridor de Lobito, Madame Miasuekama alerte : « La population a quand même peur que le corridor de Lobito ne soit qu’un simple transit pour la République démocratique du Congo. » Et d’ajouter, dans une déclaration frappante : « Ça le sera si nous ne faisons rien. »
Pour éviter cet écueil, la DGCDI, intégrée au comité de pilotage du corridor, travaille à la planification industrielle. « Nous, on ne va pas construire ce chemin de fer. (…) Mais nous, on va venir avec un volet de développement », précise-t-elle. L’objectif est de créer un écosystème économique autour du corridor. Elle prend l’exemple des minerais : la présence de manganèse à Tenke ou de cuivre et cobalt dans le Lualaba pourrait alimenter des usines de batteries. Pour soutenir cette activité minière, elle propose de développer l’agriculture au Kasaï pour en faire le « grenier agricole » qui nourrira les travailleurs du corridor, développant ainsi plusieurs régions simultanément.
Face à la concurrence régionale, elle souligne l’urgence de se préparer. « Pourquoi nous devrions manger du poulet brésilien ou zambien quand on doit manger du poulet congolais ? » s’interroge-t-elle, appelant à renforcer la compétitivité des producteurs locaux.

Vision et souveraineté nationale
Pour Madame Miasuekama, le développement des neuf corridors que compte la RDC est une question de souveraineté. « C’est une bonne opportunité pour la RDC (…). Et après, ça devient une question de souveraineté nationale. Elle peut choisir, tant que tous les corridors sont prêts, de passer par l’un ou par l’autre. »
Son ambition pour la DGCDI est claire : si l’institution est correctement utilisée et atteint son potentiel, « la RDC peut être en Afrique (…) la gâchette de l’évolution ». Un défi à la mesure du parcours de cette leader, qui a su transformer une institution à l’arrêt en un avion prêt pour le décollage.
Il convient de noter qu’à cette même occasion, un diplôme d’excellence et de mérite a été décerné à Hélène Miasuekama par l’ASBL Observatoire Panafricaine pour l’Excellence et la Paix (OPEP). A en croire cette organisation, la responsable de la DGCDI s’est particulièrement distinguée par ses services rendus pour la RDC.
Bertin Al-bashir
