Thème : La scission de la SNEL : une thérapie ou un suicide énergétique programmé en RDC ?
I. Introduction
Depuis plusieurs années, les industries de réseaux connaissent un bouleversement, tant au niveau de leurs structures qu’au niveau de leurs environnements.
En République Démocratique du Congo, la loi n°14/011 du 17 juin 2014 relative au secteur de l’électricité met fin au monopole historique de la SNEL et ouvre le marché de l’électricité à la concurrence, permettant l’intervention d’autres opérateurs privés pour la production, l’importation, l’exportation et la commercialisation de l’énergie électrique.
Au Nord et au Sud-Kivu, comme dans le reste du pays, la production et la distribution d’électricité sont assurées principalement par la Société Nationale d’Électricité (SNEL), une entreprise publique. Cependant, des initiatives privées, notamment via l’utilisation du gaz méthane du lac Kivu, sont en développement. Les opérations sont marquées par un faible taux d’électrification, ce qui pousse à explorer de nouvelles sources d’énergie et des partenariats.
En France, la déréglementation des marchés de l’électricité et du gaz accroît le degré de concurrence, faisant ainsi apparaître de nouveaux fournisseurs énergétiques.
En effet, depuis 2004 et 2007, les professionnels et les particuliers peuvent choisir librement leurs fournisseurs d’énergie. Cette libéralisation des marchés énergétiques modifie leur structure : ainsi, la France est passée d’une situation de monopole (avec l’ancien opérateur historique EDF-GDF) à celle d’un oligopole. La séparation d’EDF et de GDF-SUEZ a introduit une vive concurrence entre ces deux opérateurs. De ce fait, EDF produit de l’électricité grâce à ses centrales nucléaires, mais achète aussi du gaz naturel sur les marchés spot et bilatéraux, tandis que GDF-SUEZ importe du gaz et fournit également de l’électricité (grâce aux cycles combinés et aux nouveaux paliers de turbines à gaz).
II. Controverse entre privatisation et scission de la SNEL
Il n’existe pas de plan officiel de scission de la SNEL, mais plutôt un plan de redressement et de restructuration axé sur la modernisation des infrastructures, la digitalisation des services, l’amélioration des performances financières (désendettement, amélioration du recouvrement) et la transformation de ses opérations pour assurer un service public performant. Ce plan, élaboré avec l’appui d’experts, vise à pérenniser l’entreprise et à répondre aux besoins énergétiques de la RDC, bien qu’il suscite des inquiétudes syndicales quant à une éventuelle “privatisation voilée”.
2.1 Objectifs principaux du plan de redressement et de restructuration
Modernisation et digitalisation :
Mettre en place des outils numériques (applications, SMS) pour améliorer la gestion des réseaux et le service client, ainsi que digitaliser la gestion des réseaux de distribution.
2.2 Contexte et défis
Désengagement des coûts et faibles recouvrements :
Le prix de l’électricité est insuffisant pour couvrir les coûts opérationnels, et le taux de recouvrement des factures est faible, ce qui limite la capacité d’investissement de la SNEL.
2.3 Détérioration de la qualité de service
Le service de la SNEL a souffert d’une dégradation notable en raison de la crise socio-économique, particulièrement dans la desserte domestique.
2.4 Ambition nationale
Ce plan s’inscrit dans le cadre du Compact énergétique national de la RDC, qui vise à mobiliser des investissements massifs pour accroître l’accès à l’électricité.
2.5 Controverses : opposition syndicale
Des craintes ont été exprimées par les agents de la SNEL, qui dénoncent un projet de “démembrement” potentiellement porteur d’une “privatisation voilée”.
2.6 Manque de clarté sur la scission
2.6 Manque de clarté sur la scission
Alors que des rumeurs de privatisation circulent, les syndicats affirment qu’il n’existe aucun projet de privatisation, mais plutôt des efforts de modernisation visant à renforcer le statut public de l’entreprise.
III. La séparation des activités de production, de transport et de distribution
La séparation des activités de production, de transport et de distribution d’électricité vise à créer un marché concurrentiel, favorisant la réduction des coûts, l’innovation et la transparence pour les consommateurs. Elle reconnaît cependant que la gestion du réseau de transport reste un monopole naturel, nécessitant coordination et régulation spécifiques. Cela permet à de nouveaux acteurs d’entrer sur le marché, stimulant ainsi la concurrence et l’efficacité.
IV. Avantages de la séparation
IV.1. Stimulation de la concurrence et de l’innovation
La division du monopole vertical (production, transport, distribution) permet à de nouveaux acteurs d’entrer sur le marché, notamment dans la production et la fourniture d’électricité.
IV.2. Maîtrise des coûts et efficacité
La séparation vise à réduire les coûts d’exploitation en créant des marchés plus efficaces pour la production d’électricité.
Une meilleure coordination des activités et une gestion optimisée des capacités peuvent mener à une maîtrise accrue des coûts globaux du secteur.
IV.3. Transparence et indépendance
La séparation des activités, comme la gestion des réseaux (RTE) et la fourniture (Enedis en France), crée des filiales indépendantes au sein d’une même entreprise historique (comme EDF), garantissant une plus grande indépendance.
IV.4. Optimisation de la coordination du réseau
Bien que la gestion du réseau de transport soit un monopole naturel, la séparation permet de mieux coordonner les investissements et les opérations dans l’ensemble du réseau. L’autorité de régulation assure la coordination des différentes composantes.
IV.5. Nature du monopole naturel
Le réseau de transport et de distribution d’électricité est considéré comme un monopole naturel, car il est plus efficace d’avoir une seule entité gérant l’ensemble du réseau d’infrastructure pour éviter les redondances coûteuses et bénéficier des externalités positives d’un réseau interconnecté.
Résumé :
La séparation des entreprises du secteur électrique cherche à combiner les bénéfices de la concurrence dans les segments de marché ouverts (production, fourniture) avec une gestion coordonnée et efficace des activités de réseau, qui demeurent un monopole naturel, afin de garantir un service fiable et des prix compétitifs pour les consommateurs.
V. Désavantages de la séparation
La séparation des entreprises dans les composantes de l’électricité, telle que la déstructuration d’un monopole intégré en production, transport, distribution et fourniture, présente plusieurs désavantages. Elle peut entraîner un manque de visibilité sur les investissements, des coûts plus élevés pour les nouvelles entités, et une moins grande adaptabilité de l’offre à la demande, complexifiant ainsi la planification et l’équilibre du réseau.
V.1. Inconvénients liés à la planification et aux investissements
V.1.1 Sous-investissement :
Un marché fragmenté peut souffrir d’un manque de visibilité et de rentabilité, freinant ainsi les investissements nécessaires à la modernisation et à l’extension des réseaux.
V.2. Inconvénients liés à l’efficacité opérationnelle
V.2.1 Perte de synergies et de coordination :
La séparation peut nuire à l’efficacité opérationnelle et économique, car les différentes activités ne sont plus coordonnées au sein d’une même entité intégrée.
V.3. Augmentation des coûts
La mise en place de nouvelles structures indépendantes et la gestion de plusieurs acteurs distincts peuvent générer des coûts de fonctionnement plus élevés, qui risquent de se répercuter sur les consommateurs.
V.4. Inconvénients liés à la stabilité et à l’équilibre du réseau
• Complexité de l’équilibre offre-demande :
L’électricité est un produit indifférencié dont la demande est peu adaptable à l’offre. Une structure fragmentée rend plus difficile le maintien de l’équilibre entre production et consommation, ce qui peut affecter la stabilité de la fréquence du réseau.
• Moins de flexibilité :
Les entreprises séparées peuvent avoir une capacité réduite à réagir rapidement aux imprévus, ce qui diminue la résilience globale du réseau face aux pannes ou aux variations de la demande.
• Coûts plus élevés pour les consommateurs :
Les coûts supplémentaires liés à la gestion de plusieurs entreprises peuvent se traduire par des tarifs plus élevés pour les consommateurs.
VI. Recommandations et conclusion
Pour une scission réussie de la SNEL ou dans le cadre d’un plan de redressement, le gouvernement de la République Démocratique du Congo doit mettre en place un cadre législatif et réglementaire clair et stable, favoriser les investissements privés dans la production indépendante d’électricité, réformer la gestion de l’entreprise pour la rendre plus performante et éthique, et moderniser les infrastructures de production, de transport et de distribution d’électricité.
Cadre législatif et réglementaire
- Compléter et clarifier la loi sur le secteur de l’électricité afin d’assurer un cadre stable et transparent, propice au développement du secteur ;
- Encourager l’ouverture du marché en permettant aux investisseurs privés de détenir et d’exploiter des ouvrages de production indépendante d’électricité, comme le prévoit la loi de 2014.
Modernisation des infrastructures
- Accroître la capacité de production en achevant la construction de centrales hydroélectriques telles qu’Inga III ;
- Moderniser les équipements de production, de transport et de distribution de l’électricité, afin d’améliorer la qualité et l’étendue du service.
Gestion et performance de la SNEL
- Améliorer la gestion de l’entreprise pour la rendre plus performante et éthique ;
- Éviter toute ingérence dans la gestion quotidienne afin de laisser à la SNEL S.A.R.L. l’autonomie nécessaire pour ses opérations.
